• Les origines préhistoriques et paléoberbères des Touaregs à travers l’art 5/6

    Les origines préhistoriques et paléoberbères des Touaregs à travers l’art 5/6
    Les Libyens sahariens portaient, attachés en bandoulière, des poignards similaires aux dagues métalliques de leurs cousins, les Libyens orientaux. Ce port est identique à celui qui avait cours chez les peuples de la Méditerranée orientale : c'est ainsi que les fantassins grecs de l'armée de Pharaon ou les guerriers Poulastii, un groupe des Peuples de la Mer portaient la grande épée, dite " mycénienne ". Parfois, les Libyens sahariens ont de véritables casques évoquant aussi le casque mycénien. Ces éléments montrent que les Libyens au centre du Sahara ne vivaient pas isolés et qu'ils avaient connaissance des peuples et des cultures de la Méditerranée orientale. Les Libyens sahariens n'ont ni l'allure de chasseurs ni celles de pasteurs, mais celle de personnages princiers. Ils sont d'une élégance et d'un raffinement de cour royale. Les listes de butins soigneusement consignées par les scribes égyptiens laissent deviner un luxe et un train de vie surprenants. Ce n'était pas de frustres nomades : hommes et femmes appréciaient les belles toilettes, buvaient et mangeaient dans de la vaisselle de bronze. La femme libyenne a une position sociale et politique semblable à celle de l'homme. Elle porte le baudrier croisé et fixe des plumes dans ses cheveux ; elle tient le bâton de commandement à la main et peut être armée d'un javelot et d'un bouclier. Les auteurs grecs et latins ont écrit qu'elle dirigeait des chevaux et des chars et qu'elle combattait aux côtés des hommes : c'est ce que confirment les peintures rupestres. Son rôle guerrier n'est donc plus à démontrer. Si on devait s'en tenir à nos traditions, le statut de nos ancêtres femmes rend injuste celui qui nous est aujourd'hui imposé.Le statut guerrier de ces personnages est également mis en valeur par l'apparition du cheval et du char. En effet, les Paléoberbères vont faire une acquisition de taille : celle du char et du cheval, deux éléments qui vont devenir l'instrument idéal de leur suprématie. Les Paléoberbères étaient les plus redoutables cavaliers et conducteurs de chars que l'Antiquité ait connus. Ils montaient à cru, une monte unique en Méditerranée qui faisait l'étonnement de tous les auteurs gréco-latins qui n'ont pas manqué de souligner leurs talents équestres. Ils étaient sollicités sur les champs de bataille de la Méditerranée où, souvent, c'est grâce à leur adresse et leur bravoure que des victoires étaient remportées par les Carthaginois, les Perses ou les Romains.

    Le char était un véhicule pour la chasse, la course, et surtout la guerre ; il était aussi un objet de parade et de prestige, prérogative des chefs, des guerriers et des dignitaires. Le système d'attelage du char à une barre de traction, placée sous le cou du, ou, des chevaux a été inventé par les Libyens sahariens. Ce n'était pas un mode de traction mais un procédé de dressage. On considère que les Paléoberbères ont mis au point le plus vieux " manuel de dressage et de menage " (J.Spruytte). Hérodote écrit que ce sont les Libyens qui ont appris aux Grecs à atteler à quatre chevaux. Ils ont également inventé une roue inconnue de l'Antiquité, une roue qui pouvait se monter et se démonter sans aucun outillage ; le nombre élevé de rais, huit par exemple, avait un effet ralentisseur sur un côté du char, ceci dans le dessein de contenir un cheval trop rapide lors du dressage.

    En inventant l'attelage par barre de traction et une roue d'une minutieuse industrie, les Paléoberbères du Sahara ont non seulement démontré leurs capacités technologiques, mais ils ont aussi apporté leur contribution à l'évolution technologique de la civilisation méditerranéenne en mettant au point " une méthode de dressage absolument originale et jusqu'ici insoupçonnée " (J.Spruytte). Associée à l'usage de timons multiples, cette méthode permettait de dresser des chevaux à l'attelage en huit jours comme l'a montré l'expérimentation archéologique réalisée par l'équipe de Jean Spruytte, spécialiste du cheval dont les travaux sur la tradition équestre nord-africaine ont précieusement éclairé les archéologues. Les Libyens orientaux et sahariens, loin de vivre en marge des grands évènements historiques de l'Antiquité ont incontestablement participé au grand mouvement de la charrerie méditerranéenne. Si, dès le milieu du IIIe millénaire avant J.-C., les Libyens sahariens possédaient des poignards et des dagues importés de la façade méditerranéenne (auprès des Egyptiens, des Mycéniens ou des Asiatiques), leurs successeurs, les personnages garamantiques fabriqueront eux-mêmes leurs armes métalliques à partir de minerais et d'un savoir métallurgiste locaux. La métallurgie du cuivre (et dès lors du bronze) au Sahara méridional remonte au IXe siècle (Niger) et VIIIe siècle (Mauritanie) avant J.-C. Puis, les Paléoberbères du Sahara inventent la métallurgie du fer en même temps que l'Egypte ou la Mésopotamie, il y a environ 3000 ans (massif du Termit, Niger). Il a donc existé au Sahara un véritable foyer autochtone africain d'invention métallurgique. Un habitat paléoberbère, le site d'Iwelen (Aïr, Niger), a livré des pointes de lance en cuivre. Il a été daté entre 830 plus ou moins 40 BC et 195 plus ou moins 50 BC en âge 14C calibré. Les précieuses datations du site d'Iwelen permettent d'établir une chronologie de la période paléoberbère. Les pointes métalliques d'Iwelen sont identiques à celles qui ont été gravées sur des rochers du même site et qui sont associées à des gravures de chars schématiques. Sachant que les chars peints au galop volant remontent à environ 1500 avant J.-C. et que ceux du site d'Iwelen sont des chars schématiques qui leur sont postérieurs, sachant que ces derniers sont associés à un habitat daté du 1er millénaire avant J.-C., c'est donc après 1 500 avant et avant 1 000 avant que les Paléoberbères sahariens ont découvert les métaux ; c'est alors que les Libyens sahariens deviennent dans l'art rupestre les personnages garamantiques bitrangulaires brandissant des javelots à armature métallique (M.Hachid). On sait que les Touaregs sont le seul groupe berbère à avoir conservé l'usage de l'écriture. Leurs ancêtres, les Paléoberbères nous ont légué des milliers d'inscriptions sur les rochers du Sahara, des inscriptions de l'écriture libyque qui donnera le tifinagh (pluriel de " tafinek ") allant de l'Antiquité jusqu'aux temps présents.

    Le libyque appartient à la grande famille de langue dite " afro-asiatique ou afrasienne " (anciennement chamito-sémitique) à laquelle se rattachent des langues comme l'égyptien ancien ou le sémitique. Il recouvrait différents alphabets ayant des caractéristiques communes, mais dont l'expansion dans l'espace et le temps, a abouti à la diversification d'une partie des signes et de leur valeur. Les alphabets en usage dans les régions sahariennes, territoires des Gétules et des Garamantes, sont malheureusement les plus mal connus et les plus mal situés dans la chronologie. On savait néanmoins, par l'inscription gravée d'Azzib n'Ikkis (Yagour, Haut Atlas, Maroc) que cette écriture datait au moins des VIIe-Ve siècles avant notre ère et par le mausolée funéraire dit de " Tin Hinan " (Ahaggar, Algérie) que les tifinagh récents peuvent remonter au Ve siècle de notre ère. C'est chez les Paléoberbères sahariens que l'on trouve les plus anciennes inscriptions libyques (M.Hachid) ; elles apparaissent plus précisément dans la seconde séquence de l'art paléoberbère saharien, celle des personnages garamantiques, dans un contexte caballin. Comme les Garamantes bitriangulaires, elles sont donc apparues après 1500 ans avant J.-C. et avant 1000 ans avant J.-C., c'est-à-dire dans la seconde moitié du second millénaire avant J.-C. L'alphabet phénicien a vu le jour entre 1300 et 1200 avant J.- C. : c'est exactement la période à laquelle le libyque apparaît sur les rocher du Sahara ; par conséquent, la contemporanéité de ces deux écritures ne permet pas d'envisager que le libyque soit issu du phénicien et encore moins du punique. Toutefois, des échanges ne sont pas impossibles. D'autres éléments d'ordre archéologiques et historiques montrent que l'écriture libyque pourrait avoir une origine autochtone et une genèse locale. C'est ce qu'indique le fait que les plus anciennes inscriptions se localisent au Sahara central, bien loin des domaines phénicien et carthaginois et des zones d'influence punique. Un autre indice est celui de l'art géométrique berbère sur lequel nous allons revenir plus amplement. Les tifinagh anciens apparaissent avant l'arrivée du dromadaire au Sahara, mais on ne sait pas avec exactitude quand cet animal a atteint le désert. Toutefois, le dromadaire est tout à fait repérable, par les témoignages historiques, dans le dernier siècle avant notre ère avant d'abonder dans la partie orientale de l'Afrique romaine dès les premiers siècles de notre ère. Les tifinagh anciens ne peuvent donc qu'être apparus au cours du dernier millénaire avant J.-C., avant le dernier siècle (au moins).

    Ainsi, les tifinagh anciens ont au moins six siècles d'âge et les écritures libyques ont pu durer plus de 1 000 ans. Nous avons déjà évoqué l'apparition de signes géométriques d'une grande diversité qui a pu donner naissance à une graphie locale. Les plus anciennes manifestations de ces motifs apparaissent avec les Capsiens du Maghreb(décor des objets utilitaires, art rupestre et mobilier), il y a environ 10000 ans. On les retrouve chez les Protoberbères bovidiens du Sahara central, il y a 7000 ans (peintures corporelles et tatouages, décor des vêtements). Ils se multiplient avec les Libyens orientaux et sahariens, il y a 3500 ans. Dans tous ces groupes humains, constituant les premières étapes du peuplement berbère, du Maghreb au Sahara, on retrouve ce vieux stock de signes divers : c'est dans ce creuset iconographique, datant de la plus lointaine préhistoire, que des éléments ont pu se prêter progressivement à la mise en place d'un langage idéographique primaire (M. Hachid). Ce n'est qu'avec les Paléoberbères Garamantes que ce système s'est orienté vers une forme scripturaire pour donner les premiers caractères d'écriture, dans la seconde moitié du second millénaire avant J.-C. Les Paléoberbères, et peut-être déjà les Protoberbères bovidiens du Sahara et les protoméditerranéens du Maghreb ont donc possédé des symboles ayant valeur de véritables idéogrammes, une graphie naissante porteuse de sens et issue de leur art géométrique. Assurément, ils ont dû l'améliorer au contact d'autres systèmes d'écriture et alphabets de la Méditerranée orientale. L'art géométrique berbère, qui pourrait avoir inspiré la genèse de la graphie libyque, se conservera jusqu'à nos jours dans les arts populaires (tissage, tatouage, peintures murales, sculpture sur bois, décor de bijoux, poterie...). L'ascension de l'élite protoberbère se continue avec l'élite aristocrate paléoberbère et se traduit dans les mentalités par une sorte d'exaltation de l'aristocratie et de la noblesse guerrière. Cette société était une société de chevalerie, de courtoisie où la musique et l'importance des sentiments décrivent une civilisation de raffinement.

    Source: Afrique du nord.com

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